Les impacts de l’IA juridique chez les professionnels du droit

Les évolutions technologiques n’épargnent aucun secteur. Pas même celui du droit, longtemps perçu comme conservateur et attaché à ses traditions. L’arrivée progressive de l’intelligence artificielle (IA) dans les pratiques juridiques redessine les contours des métiers du droit.

Recherche jurisprudentielle assistée par algorithme, rédaction automatisée de contrats, prédiction des décisions de justice : autant d’utilisations possibles qui s’imposent désormais dans les cabinets comme dans les LegalTechs.

Pour les professionnels du droit, cette mutation technologique constitue un tournant et peut être source de peur. Faut-il craindre une substitution de l’humain par la machine ? Ou au contraire, y voir une opportunité d’optimisation et d’évolution des métiers ?

Je vous propose d’analyser les impacts concrets de l’IA juridique sur les métiers du droit.

L’IA juridique : technologies et usages actuels

Lorsque l’on voit les progrès de l’IA entre son lancement et aujourd’hui, il y a de quoi avoir peur. L’IA va-t-elle remplacer de nombreux métiers ?

Le monde juridique n’y échappe pas ! J’ai déjà parlé des domaines d’application possibles de l’IA en matière de formalités juridiques, comme :

  • la recherche jurisprudentielle ;
  • la rédaction automatisée ;
  • l’automatisation des tâches ;
  • l’analyse contractuelle ;
  • la prédiction des décisions de justice ;
  • etc.

J’évoquais également dans cet article quelques outils désormais utilisés, notamment l’émergence des LegalTech. Mais laissez-moi compléter cette liste.

  1. La jurimétrie est une application des statistiques et des techniques d’analyse de données massives (big data) au domaine juridique. Elle permet de prédire les résultats de certains procès ou d’identifier des tendances dans les décisions de justice à partir de vastes ensembles de données.
  2. Les chatbots et assistants virtuels sont des outils capables de répondre à des questions juridiques basiques, de rédiger des documents standardisés ou d’orienter les utilisateurs vers les informations légales pertinentes. DoNotPay est l’un des outils d’IA juridique les plus médiatisés. Surnommé « avocat virtuel », il aide les utilisateurs à résoudre des problèmes juridiques courants, comme contester des amendes de stationnement ou rédiger des lettres de réclamation.
  3. CaseText est un logiciel d’IA juridique créer pour analyser et rechercher des décisions judiciaires. Il permet d’identifier rapidement les précédents judiciaires pertinents pour un dossier, tout en offrant des outils d’analyse sémantique des textes.
  4. Predictice est une solution d’IA spécialisée dans la prédiction des décisions de justice aidant les avocats à mieux comprendre les tendances des juges et de prédire les chances de succès d’une action en justice. En analysant des données historiques, Predictice fournit des informations clés pour orienter les choix stratégiques d’un cabinet.

Ces exemples illustrent bien comment l’IA est en train de révolutionner la manière dont les professionnels du droit exercent leur métier. Elle permet non seulement de gagner du temps, mais aussi d’offrir des services plus précis, plus efficaces et accessibles.

Les Impacts de l’IA juridique sur les métiers du droit

Vous avez la sensation de pouvoir être remplacé par l’intelligence artificielle ? Je vous rassure, ce n’est pas le cas ! Il faut voir ici une mutation du métier et non une suppression. Pas convaincu ? Je vous explique ma façon de voir les choses.

Un gain de temps pour vous recentrer sur votre cœur de métier

Vous qui êtes professionnels du droit, vous ne pouvez nier le temps perdu à des tâches indispensables, mais chronophages et sans réelle plus-value.

L’IA juridique contribue à la réduction du temps de traitement des tâches répétitives grâce à leur automatisation. Ce qui offre un gain de productivité significatif. La recherche de documents, l’analyse de contrats ou encore la rédaction de lettres types peuvent désormais être réalisées en une fraction du temps.

Par exemple, au lieu de parcourir manuellement chaque clause d’un contrat de plusieurs pages, des outils d’IA spécialisés peuvent analyser et mettre en évidence les sections importantes, comme les clauses de non-concurrence ou les conditions de résiliation. En quelques secondes, vous disposez uniquement des informations essentielles. Ce qui vous permet alors de vous concentrer sur les aspects stratégiques du dossier plutôt que sur la simple révision de documents.

Autrement dit, vous avez plus de temps pour exercer votre cœur de métier, à savoir l’expertise technique et juridique. En outre, ce gain de temps peut vous permettre d’accepter de nouveaux clients, sans avoir besoin de recruter ou de vous retrouver débordé.

Une évolution des compétences des professionnels du droit

Alors oui, si vous n’aimez pas la nouveauté et préférez la routine de votre travail, l’IA juridique a de quoi vous faire peur.

Il est en effet indéniable qu’avec l’arrivée de l’IA juridique, le rôle des professionnels du droit évolue. Si l’automatisation permet de libérer du temps, elle nécessite, en contrepartie, l’acquisition de nouvelles compétences pour être capable de travailler avec ces nouvelles technologies.

Il faut voir ces dernières comme une aide, un peu comme un assistant. Il faut donc les superviser et les ajuster pour garantir la qualité des résultats. Cela implique donc de développer des compétences en gestion de données et en analyse algorithmique.

En d’autres termes, vous devez être en mesure de comprendre le fonctionnement de l’IA juridique, de paramétrer les outils en fonction des besoins spécifiques de chaque dossier et de valider les résultats produits par la machine.

La création de nouveaux métiers (legal engineer, data analyst juridique)

Tout comme cela s’est produit dans d’autres secteurs impactés, l’arrivée de l’IA crée aussi de nouveaux métiers qui n’existaient pas dans le secteur juridique il y a encore quelques années. Bien évidemment, ces métiers sont directement liés à l’intégration et à la gestion des technologies au sein des métiers du droit.

C’est notamment le cas du métier de legal engineer, en plein essor. Il se situe à mi-chemin entre le droit et la technologie. Le legal engineer est responsable de la création, de l’optimisation et de l’adaptation des outils d’IA utilisés dans le domaine juridique tout en garantissant leur conformité légale.

Prenons un autre exemple avec le métier de data analyst juridique. Comme son nom l’indique, c’est un spécialiste de l’analyse de données massives (big data) appliquées au droit. Le data analyst juridique exploite les données juridiques pour en tirer des tendances juridiques, anticiper des évolutions législatives ou encore effectuer des analyses prédictives sur des décisions de justice. Il permet à une entreprise d’obtenir une analyse de données poussée.

Ces nouveaux métiers témoignent de la mutation du secteur. Ainsi, l’IA juridique n’est pas qu’un simple outil de remplacement, mais un catalyseur qui redéfinit les missions et les compétences des acteurs du droit.

L’avenir du professionnel du droit face à l’IA juridique

Vous l’avez compris, l’IA juridique ne peut remplacer un expert du droit. En revanche, il faut s’attendre à voir les métiers juridiques évoluer. Mais alors, quel est l’avenir des professionnels du droit ?

La collaboration homme-machine

Si ce n’était pas encore assez clair jusqu’ici, si l’intégration de l’intelligence artificielle dans le monde juridique ne signe pas la fin du métier de juriste ou d’avocat, elle implique néanmoins une évolution de son rôle.

L’IA juridique a pour vocation de vous assister dans vos tâches. Outre l’automatisation des tâches, c’est avant tout un outil d’aide à la décision (analyse, synthèse, recommandation). La dimension humaine et relationnelle ainsi que l’aspect stratégique restent au cœur de votre pratique.

Mais il faut bien comprendre que l’utilisation de l’IA juridique suppose une collaboration homme-machine. Il ne s’agit plus seulement d’exécuter une tâche juridique, mais de superviser, orienter et valider les propositions de l’IA.

La formation continue pour rester compétitif

Nous vivons dans un monde en mutation rapide (trop rapide ?). Pour les personnes qui, comme moi, ne sont pas nées avec un téléphone portable à la main… cette mutation peut être rude.

C’est pourquoi la formation continue est un enjeu majeur. Les professionnels du droit ne peuvent plus se contenter d’un bagage juridique traditionnel. En effet, ils doivent désormais comprendre les enjeux technologiques, maîtriser les outils numériques et adopter une approche interdisciplinaire.

La preuve, les universités et écoles de droit commencent à intégrer ces nouvelles compétences dans leurs cursus (droit des technologies, LegalTech, data law, éthique de l’IA, etc.).

Aussi, ne subissez pas la transformation numérique, anticipez-la pour en faire une alliée et non une menace.

Complémentarité, spécialisation ou réinvention du métier

À moyen et long terme, plusieurs scénarios d’évolution des métiers du droit se dessinent.

  1. La complémentarité : l’IA reste un outil et les professionnels du droit conservent l’essentiel de leurs prérogatives. Ici, l’enjeu est de maintenir un équilibre entre automatisation des tâches simples et valorisation de l’expertise humaine sur les enjeux complexes.
  2. La spécialisation : certains professionnels choisissent de se spécialiser dans des niches à forte valeur ajoutée, difficiles à automatiser (comme le droit de la propriété intellectuelle, le contentieux international ou le conseil stratégique) ou bien vers des profils hybrides (legal designers, consultants LegalTech, etc.).
  3. La réinvention : le professionnel évolue autour de la donnée vers un profil de chef de projet juridique, gestionnaire de risques augmentés, voire un architecte de solutions juridiques numériques.

 

L’intelligence artificielle transforme en profondeur le paysage juridique en redéfinissant les méthodes de travail, les compétences attendues et même la nature des métiers du droit. Mais, loin d’être une menace directe, l’IA se présente avant tout comme un outil au service des professionnels du droit qui sont alors capables de décupler leur efficacité. Selon moi, le métier d’avocat ou de juriste ne sera pas remplacé par une machine, mais plutôt par un autre professionnel du droit qui maîtrise mieux l’IA juridique.


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